Depuis les années 70, certains occidentaux, las des croyances traditionnelles, se sont tournés vers une religion de remplacement : le bouddhisme. Cette philosophie semble mieux s’accorder avec le courant de pensée agnostique occidental. Le bouddhisme ne prône pas un créateur de l’univers ou une force créatrice ; il retourne la question en plaçant le Bouddha, « l’éveillé » en sanscrit, comme la réalité la plus élevée par laquelle cet univers existe. Si l’ultime sagesse de Bouddha paraît inaccessible, chaque être humain peut tendre à s’en rapprocher. Le bouddhisme est né au Vème siècle avant J-C, il provient de l’enseignement du prince Siddhârta. Ce prince avait été élevé par un précepteur dans la culture hindouiste de l’époque, loin des misères du monde. Des notions de l’hindouisme furent remaniées par Bouddha, comme le concept de la réincarnation. Profondément impressionné par le contraste entre son éducation et la souffrance qu’il avait découvert sortant de son palais, il avait renoncé à ses attributs de prince pour s’adonner à une vie d’ascèse. Devenu Bouddha, il proposa son enseignement en le fondant sur l’affirmation que la souffrance naît du désir et de l’envie. Ce sont elles qui rendent l’homme incapable de voir correctement la réalité. Le remède qu’il suggère consiste à se détacher par la méditation. Cette technique bouddhiste vise à mener le sujet à la sérénité et au bien-être intérieur, en le libérant de ses entraves pour atteindre le nirvana.
Contrairement aux religions du Livre (judaïsme, christianisme, islam), l’hindouisme est une pensée philosophique et religieuse (dans le sens de réunir) qui tend d’abord à offrir à chacun, une croyance en fonction de ses aptitudes intellectuelles et émotionnelles. La croyance pour l’hindouiste n’est pas une fin en soi, l’esprit est ouvert. Le temps est aussi accepté au-delà du temps imparti à une vie, il est possible pour un Hindouiste, avec son concept de réincarnation, de concevoir qu’il pourra accéder à la Vérité dans une prochaine existence. Chaque croyance correspond à une étape dans sa vie spirituelle respectée en tant que telle. Dans ce système, plusieurs déités sont à leur disposition : Vishnou, Shiva, Krishna, Rama, Kali, Ganesh, et bien d’autres encore. La réincarnation dans l’imaginaire hindou est présentée de manière très structurée, définie selon les aspirations de l’être, de ses tendances, de ses samskaras.
Le samskara est une imprégnation antérieure, une disposition mentale acquise composant notre personnalité qui nous pousse à agir d’une façon plutôt que d’une autre et à rechercher un objet de bonheur plutôt qu’un autre. Notre personnalité est déterminée par de nombreux samskaras qui peuvent se développer ou se résorber au cours de notre existence. C’est un concept peu utilisé en Occident.
La réincarnation est une autre conception de la causalité. L’idée est belle et attrayante, mais comme la causalité, elle pose le même problème, celui de la première incarnation !
Pour comprendre un peu l’hindouisme, il faut faire un petit retour en arrière de quelques milliers d’années : des sages, des penseurs de différentes régions de l’Inde se réunissaient régulièrement pour exposer leur recherche spirituelle et échanger sur ce sujet. Ce pays était immense, bien au delà de ses limites actuelles et des mers qui le bordent aujourd’hui. Une multitude de langages existaient. Pour mieux communiquer entre eux, ils jugèrent opportun de construire une langue commune : le Sanscrit. Cette langue serait uniquement consacrée à la connaissance métaphysique. Pour ce faire, ils sélectionnèrent dans chacune de leurs langues, les mots qui leur paraissaient les plus significatifs pour exprimer l’idée véhiculée. Avec l’aide de cette expression commune et de la précision des termes employés, la communication fut simplifiée et ils purent ainsi approfondir leurs pensées.
Les connaissances acquises par ces sages furent écrites dans des textes que l’on nome les Vedas (vision ou connaissance). Elles sont toute l’essence de la sagesse humaine sublimée à des niveaux si hauts que l’on ne peut les concevoir. Ce sont : Le Rig-Véda, le Yajur-Véda, le Sama-Véda et l’Atharva-Véda. Les quatre Védas se transmettaient oralement de Brahmane à Brahmane, ceux qui appartiennent à la caste indienne considérée la plus haute et la plus spirituelle. Originellement, le Brahmane était un officiant du sacrifice védique. Cette connaissance finit par être transcrite dans un langage très condensé et symbolique. Les premiers textes dateraient du 5ème siècle avant JC.
En dépit des annotations ajoutées par des Brahmanes, les Védas demeuraient toujours difficiles et insaisissables pour les érudits de l’époque. Ainsi, beaucoup d’éléments de ces textes ont dû être explicités. Ces explications sont devenues les Upanishads qui signifient « venir s’asseoir respectueusement au pied du maître pour écouter son enseignement ». Elles ont à leur tour été analysées pour devenir plus accessible.
Ces vagues d’analyse successives ont amené des éclairés à créer leur propre philosophie ; elles sont au nombre de six : le Samkhya, le Yoga, le Nyaya, le Vaisesika, le Purva meemamsa et la Vhara meemamsa. Elles sont devenues les six philosophies réelles de l’Inde, dans le sens où elles aboutissent à une réponse finale. Ce résultat n’est pas transformé en une autre question qui créerait, comme c’est le cas dans la philosophie occidentale, un cercle sans fin de thèses, antithèses et synthèses.
Après être passé par différentes phases, l’aspirant à la Vérité finit par comprendre que l’aboutissement de sa recherche, implique de rencontrer le Maître qui l’amènera à la Connaissance. En effet, la Vérité ne peut être accessible que par les révélations du Maître, le Guru (grand) au disciple.
Nous avons tous un potentiel pour apprendre, découvrir ou comprendre. Nous avons un besoin fondamental de trouver « une cause » à tout ce qui arrive. Sans cette recherche, il n’y aurait ni savants, ni ingénieurs, ni scientifiques, ni philosophes, ni juges, ni pourquoi, ni comment… Chacun à notre niveau, nous avons besoin de compréhension. Certains se contentent de réponses simples, d’autres en fonction de leur âge, de leur milieu socioculturel, pousseront l’analyse plus loin. Les théories que nous avons élaborées au fil des siècles sont respectables ; chacune d’elles donne une explication limitée à son concept. En admettant l’existence d’un monde, il paraît difficile de nier l’existence d’un Dieu, tout comme la théorie de l’évolution mise en exergue par Darwin, les théories de la réincarnation, du karma et des samskaras qui influent sur la pensée des hommes, l’astrologie, la recherche sur la matière, l’énergie, la chimie, la biologie, toutes les sciences, le chamanisme, la sorcellerie… Toutes ces réflexions se sont développées et ont pris autant de réalités que le monde lui-même.
L’être humain a un corps, il perçoit des objets par ses sens, il a des pensées, il a des rêves et il dort. Son corps naît et meurt dans un univers qui existait avant et qui existera après lui. C’est à partir de cette certitude que les hommes ont cherché des réponses. Ces concepts tendent à expliquer l’homme dans un univers fait de temps, d’espace et de causalité sans que jamais cet univers ne soit remis en question. Mais ne serait-ce pas cette idée de l’existence infinie du temps et de l’espace qui l’empêcherait de trouver une solution ? Et si notre incompréhension venait de notre ignorance et notre ignorance de notre croyance ? Nous imaginons vivre dans un corps entouré d’un monde. Ne serait-ce pas cela le malentendu ? Si une question est entachée d’erreur à la base, comment la réponse pourrait-elle être juste ? Envisager que la Vérité soit inaccessible à l’homme, c’était peut-être vrai, il y a quelques millénaires, au début de l’homo sapiens, quand nous venions à peine de quitter le règne animal. Mais depuis, nos réflexions se sont affinées, elles ont continué de se développer. Peut-on adhérer encore aujourd’hui à ce que nos ancêtres croyaient avec tant de sincérité ?
Tout ce que nous connaissons, quelqu’un nous l’a enseigné. On nous a appris à manger, marcher, parler, appréhender le monde et ses objets. En naissant, nous dépendons de notre mère, En grandissant, nous passons d’un enseignant à l’autre. Ainsi dépendons-nous de nos parents, nos professeurs, nos amis, nos conjoints et nos rencontres et ce durant toute notre vie. Pendant toute la période de socialisation, l’enfant, l’ado, le jeune adulte aura essayé de devenir indépendant et de faire ses propres expériences. Mais à chaque fois, son entourage aura restreint sa liberté, pour lui inculquer les normes et les règles de la vie en société. Dès sa naissance, on dirige le nouveau venu, l’esprit encore tout frais, vers des mœurs que la société considère comme bienséantes et on lui dénonce les autres pratiques comme inacceptables. C’est l’éternelle lutte entre les jeunes et les adultes, les modernes et les anciens. C’est aussi ce que l’on appelle le conflit de générations, l’âge ingrat, la crise d’adolescence… A chacune de ces périodes, nous crions notre volonté de liberté, d’indépendance, notre refus des traditions, notre espoir de faire mieux, de penser différemment. Et à chaque fois, ce besoin de changement est refoulé jusqu’à ce que nous acceptions de nous conformer au monde établi. A plus ou moins long terme, la nouvelle génération en sortira perdante et finira par se retrouver à la place des anciens pour réprimer à son tour la génération suivante. Les religions, les traditions, les coutumes font partie des habitudes. Ces espaces communautaires répondent à ce besoin d’identification à une collectivité. La religion peut encore rester un soutien précieux ; n’est-elle pas l’opium du peuple comme l’a dit un certain Karl. S’attacher à la recherche de la Vérité n’entamera en rien vos rituels que vous souhaiteriez préserver. Alors, est-il possible maintenant d’envisager un autre cheminement ?