Dans l’état de veille, nous nous accaparons tout : c’est mon corps, ma vie, mon travail, mon mari, ma femme, mes enfants, ma maison, mon pays, mon Dieu, mon rêve, tout est à moi. C’est la juste réalité des choses car chaque expérience est perçue séparée de Soi, à l’extérieur, il est naturel de se les approprier. Comme tout est à moi, il serait intéressant de savoir où l’on se situe quand on parle de son corps, son cœur, son sang …
• Transcender l’espace :
l’intérieur et l’extérieur, le Soi et l’objet
Où suis-je quand tout est à l’extérieur ? Suis-je à l’intérieur ? Mais de quoi, puisque le corps comme tous les objets sont à l’extérieur ? Quand tout est à l’extérieur, où peut être l’intérieur ? Et s’il n’y a pas d’intérieur, où peut être l’extérieur.
Nous avons déjà découvert le Soi. Prenons maintenant le problème de l’autre côté et analysons les objets. Comment les percevons-nous ? Chaque science, chaque croyance part de l’idée que ce monde existe. Comme nous l’avons montré, l’état de veille est un monde de temps, d’espace et de causalité. Alors nous analysons les objets de ce monde dans les moindres détails, nous étudions leurs relations, leurs interférences, leurs causes, leurs effets, tout ce qui régit ce monde imaginaire. Mais si vous demandez à votre mental d’examiner un objet, vous vous apercevrez que vous ne pouvez le connaître que par votre connaissance et l’expérience que vous en avez. La connaissance et l’expérience sont en vous, jamais à l’extérieur. Elles ne vont pas à la rencontre de l’objet et ne peuvent pas prouver son existence matérielle. L’expérience ne peut prouver que l’existence d’une idée ayant la forme de l’objet. Les objets ne sont que des idées. Chaque expérience apparaît et disparaît en moi. Quand vous êtes dans un rêve, vous êtes le sujet de ce rêve, et vous êtes dans un état de veille, dans la réalité d’un monde. A l’instant où cette expérience apparaît comme un souvenir, elle devient un rêve. L‘être qui agit dans le rêve et tous les objets de ce rêve apparaissent alors comme non existants. De la même façon, on peut considérer que comme le rêve, chaque expérience passée est non existante.
Reprenons à la base le processus de perception. L’objet est d’abord perçu par un de nos cinq sens. Cependant, le sens n’est pas suffisant, il faut que cette perception soit transformée en connaissance pour être identifiée. La science admet que la preuve de l’existence d’un objet ne peut être prouvée que par sa perception à travers les sens. Rappelez-vous qu’une perception n’est qu’une simple idée : pour voir un objet, certains rayons de lumière traversent le globe oculaire pour imprimer la rétine, ensuite les nerfs optiques prennent le relais, pour emmener cette impression sous forme d’ondes électriques au centre du cerveau qui le transmet à l’esprit comme une simple idée. Ce n’est qu’à ce moment que l’on voit l’objet.
Analysons maintenant la perception sous un autre angle. Prenons l’exemple d’un mur, un mur très long. Imaginez que vous êtes devant lui et que vous n’en voyez pas la fin, pouvez-vous dire que c’est un mur ? Vous ne pourrez l’affirmer que quand votre regard sera arrivé à quelque chose qui soit autre chose que ce que vous venez de voir, comme par exemple un paysage. Vous pourrez alors dire que vous êtes devant un mur. La perception doit se terminer pour que vous sachiez ce que vous avez vu. Dans ces deux exemples, quand je prends connaissance de ce que je vois, il n’y a plus de perception, il n’y a que la connaissance. C’est ce que l’on peut appeler une expérience.
Les sens, le mental et le Soi participent dans leurs domaines respectifs à la création d’un objet. L’objet n’est pas un tout indivisible. Il est constitué de trois éléments d’identification qui sont :
la forme (perception), qui est la création immédiate de l’organe du sens concerné.
le mental, qui sort de son magasin d’anciens concepts pour les entasser sur la forme ; il fait ainsi de l’objet un ensemble d’idées qui complète ce que vous venez de voir.
l’Existence, qui donne la réalité ou la permanence à l’objet. L’existence de l’objet forme le support sur lequel le percept et le concept peuvent apparaître. La permanence ou l’Existence ne peut jamais provenir des sens ou du mental ; elle ne résulte que de la Conscience. Le Soi en apportant sa pierre à l’édifice lui donne le sens de la réalité, il le fait apparaître réel. L’objet est ainsi constitué de forme grossière, de forme mentale et de Conscience.
Nous voyons aussi que la forme grossière de l’objet est celle que l’on perçoit physiquement. Elle devient mentale lorsqu’on cesse de concevoir un état de veille. On sort de cet état lorsqu’on se rend compte que la perception n’était qu’un rêve. On inclut dans cet état mental, tout ce qui est purement mental ou tout ce qui est passé. Sa forme mentale disparaît enfin quand on cesse de concevoir un état de rêve. On constate alors que l’expérience apparaît et disparaît dans la Conscience. Dans le sommeil profond, il n’y a que Conscience. Elle est la substance de l’objet.
Avant de voir un objet, l’objet n’existait pas. Du point de vue matériel, on peut dire qu’il m’était inconnu. C’est l’impression que nous avons chaque fois que nous découvrons un nouvel objet. Le fait de le connaître ne lui fait subir aucun changement. Pourtant quand je dis : « je connais cet objet », mon mental ajoute des attributs à cet objet inconnu, comme une forme, une couleur, un toucher, une odeur, un usage, etc. Le support de ces attributs, le fond de l’objet reste inconnu et le demeurera toujours. On peut conclure que la réalité de l’objet est au-delà du connu et de l’inconnu, il est le support du connu et de l’inconnu. Nous ne connaissons que la réalité qui est au-delà de la connaissance ou de la « non-connaissance » d’un objet. Chaque objet pointe vers Soi, la Conscience.
Peut-on voir un objet ? Je crois voir un objet, mais en réalité je ne vois qu’une forme qui n’est rien d’autre que l’acte de voir : je ne vois que voir. Mais peut-on voir « voir » ? L’acte de voir ne peut exister sans moi, le sujet. L’acte de voir n’est jamais séparé de moi, il n’y a que la Conscience d’un objet qui n’existe pas en tant que tel, il n’y a que Conscience qui est la Réalité. Quand on voit la forme de l’objet, on voit sa partie inerte, sa partie morte. Sa partie vivante est le fond, la Conscience, l’Existence et ne peut jamais être vue.
Pour être considéré comme un objet, il doit être distinct et séparé de Soi. Il doit aussi être connecté avec le sujet dans la relation du sujet à l’objet. Au moment où l’objet est connu, l’objet doit nécessairement abandonner son objectivité pour ne faire plus qu’un avec Soi ou pour être identique à Soi. Cela se passe au niveau relatif de l’ego comme au niveau absolu. Dans les deux cas, une identité s’est établie :
Au niveau de l’ego : l’ego se perd dans l’objet et devient identique à l’objet pour un instant.
au niveau de l’absolu : l’objet se dissout pour toujours en Soi, la Conscience. Chaque pensée, chaque perception n’est rien d’autre que l’ultime réalité ou Connaissance au moment où elle est connue.
La dualité : dès que j’identifie l’expérience à un objet, je suis dans la dualité, l’objet est alors perçu avec une existence indépendante de celui qui le perçoit. Cette existence appartient-elle à l’objet ou à autre chose ? Un objet ne peut pas exister sans être connu et nous avons vu qu’un organe des sens par lui-même ne peut pas créer un objet. En apparaissant dans la Conscience, l’objet en prend toutes ses caractéristiques. Il s’approprie l’existence et la permanence de la Conscience. L’objet s’inscrit alors dans le temps, l’espace et la causalité.
Emmanuel Kant en s’interrogeant sur l’existence d’un objet, a compris que l’on ne pouvait pas uniquement se soumettre au sens pour connaître un objet. Sans pouvoir dépasser la dualité, il a pu imaginer la « chose en soi », l’existence au-delà de la forme donnée par le spectateur, ce «quelque-chose» qui existe indépendamment des sens, le noumène sur lequel on surimpose des qualités variables. Il a pensé alors que l’objet est composé du noumène, le fond, le support et des qualités que nous lui surimposons. Les qualités changent, l’objet générique en lui-même ne changeant pas.
Prenons comme exemple le mot « fleur ». Le sujet voit une fleur par sa forme, sa couleur, il lui donne un nom, une qualité, une odeur… Tout ce que l’on peut dire c’est que la « fleur » existe au-delà des changements qui peuvent s’opérer sur elle. Je suis aussi cette permanence ; j’existe, au-delà du corps, du mental et des sens. Seules les qualités que nous attribuons nous sont connues. Ces qualités vont et viennent, elles ne changent en rien le support de l’objet qui reste inconnu. Il ne peut pas y avoir deux inconnues, car il faudrait alors pouvoir les distinguer l’une de l’autre et elles ne seraient plus inconnues. Donc tous les objets n’ont qu’un seul et unique support. Ce support n’est rien d’autre que « Soi », l’unique réalité. En abandonnant tout ce qui est surimposé à la fleur ou à Soi, on s’aperçoit que ce qu’il reste est fait de la même substance : Existence, la Réalité absolue. On perçoit alors la fleur comme Soi : la pure Conscience.
L’idée du monde qui, apparaît à travers un tas de pensées, d’émotions et de perceptions, n’est rien d’autre que la pure Conscience. Quand on en parle, on en fait une idée qui n’est plus la chose mentionnée. La réalité ne peut pas être objectivée. La pensée et les discours obscurcissent la réalité. En cessant ces activités, la réalité brille de sa propre splendeur.
Examinons maintenant deux expériences, comme par exemple deux perceptions, elles ne peuvent pas se produire au même moment ; la première doit disparaître pour que la seconde apparaisse. L’une et l’autre ne peuvent coexister. Alors que se passe-t-il entre les deux ? Inévitablement, il doit y avoir un intervalle que l’on ne peut pas considérer comme une expérience. Nous pouvons comprendre cet intervalle de « non-expérience » en le comparant au sommeil profond. Je suis permanent, immuable, chaque expérience apparaît et disparaît en moi, Existence, Conscience, Paix.
• Transcender la temporalité
Nous avons vu que le temps existe lorsqu’il y a un avant et un après différents. Dans l’état de veille comme dans l’état de rêve, le temps est perceptible. Nous sommes dans la dualité, le sujet est présent avant, pendant et après chaque expérience. Le sujet, ses perceptions et les objets perçus sont supportés par le temps, l’espace et la causalité. Ce temps est conçu avec un présent précédé par un passé et nous imaginons un futur dans la continuité de notre présent ; nous échafaudons un temps infini support de toutes nos expériences.
Dans l’état de sommeil profond, par nature sans expérience, le Soi est permanent. Il n’y a ni avant ni après, sans temps, nous sommes dans la non-dualité. Malgré nous, quand nous entendons le mot « permanent », nous comprenons « qui ne s’interrompt pas » ce qui nous ramène malgré nous, à une idée de temps. Nous sommes tellement habitués à concevoir le temps comme le support de toutes les expériences qu’il paraît impossible de dissocier la permanence du temps. Entre deux expériences, nous pouvons à peine imaginer un « absenthésimal » point de temps. « Absenthésimal » car le temps conçu entre deux expériences ne peut être pensé qu’en donnant une continuité de temps entre l’expérience qui le précède et celle qui le succède.
Le rêve est aussi soutenu par du temps, de l’espace et de la causalité. Quand le rêve disparaît, son temps, son espace et sa causalité disparaissent avec lui.
Nous pouvons aussi considérer que le temps, l’espace ou la causalité sont des expériences qui apparaissent en moi, Conscience. Dès qu’une expérience apparaît, c’est la réalité de l’état de veille. Cet état de veille devient un état de rêve quand il est mémorisé dans un nouvel état qui devient à son tour l’éveil. Nous avons besoin de vivre une continuité et tout ce qui la perturbe est qualifié de souvenir, de rêve ou d’imaginaire. L’objet que je perçois en ce moment s’inscrit dans le temps, l’espace et la causalité. Je suis assis devant la même table qu’hier, je travaille sur le même ordinateur, je suis dans la même pièce… Si les perceptions étaient perçues indépendamment les unes des autres, notre idée d’un monde pourrait-il exister ?
Il n’y a pas si longtemps, les chercheurs, les scientifiques ne pensaient jamais se prendre en compte dans leurs expérimentations. Ils oubliaient que c’était eux qui regardaient, qui cherchaient. Ils considéraient que leur expérience pouvait exister sans eux, alors qu’ils y étaient intimement liés. Albert Einstein a quand même exprimé un doute :
« J'aime à penser que la lune est toujours là, même si je ne suis pas en train de la regarder. »
Le temps reste toujours une grande question qui perturbe nos esprits. Analysons-le autrement : est-il possible de sortir de l’instant présent ? Le passé apparaît sous forme de pensée dans l’instant. Le futur fait partie de l’imaginaire, il n’est aussi qu’une pensée. Le passé comme le futur ne sont que des surimpositions aux pensées qui nous viennent. Elles dépendent impérativement du présent. Le temps n’est qu’un concept. Une fois de plus, nous nous sommes abusés, comme quand, la nuit, nous faisons tourner au bout d’une corde un objet incandescent, nous voyons un cercle de feu. Ce cercle de lumière n’est qu’une illusion. Il n’y a que cet objet qui impressionne notre rétine en des points différents. En analysant chacune de nos expériences indépendamment l’une de l’autre et d’une façon désintéressée, nous nous retrouvons centrés dans la réalité que nous n’avons jamais quittée.
• Transcender la causalité
Convaincu d’habiter dans ce cosmos, on aimerait connaître la cause de toutes les causes, comme la cause de cette diversité d’objets. On souhaiterait trouver une explication au-delà de l’univers. C’est totalement illogique, car nous oublions alors que le temps, l’espace et la causalité font partie intégrante de notre conception de ce monde. Nous sommes aussi dans la même incohérence quand on se demande : quelle est la cause de l’état de veille ? Le matin après une bonne nuit de sommeil, l’alarme sonne et je me réveille. Puis-je dire que le bruit du réveil s’est produit dans le sommeil profond et que ce bruit m’a fait passer de l’état de sommeil profond à l’état de veille ? Le sommeil profond n’a pas d’expérience, il est un état de paix, de bonheur, nous ne pouvons pas dire que le bruit retentisse dans le sommeil profond. Le bruit ne peut survenir que dans l’état de veille et par conséquent, il ne peut en être la cause.
La causalité est le produit de l’état de veille. La seule façon de la comprendre serait d’aller au-delà de l’état de veille. Dans l’état de rêve ou dans l’état mental, la causalité comme le questionnement sur la causalité disparaissent pour n’être plus qu’une illusion. Mais ce que nous appelions un état de rêve était considéré comme un état de veille. Il n’est devenu un état de rêve uniquement lorsque l’état de veille est passé. La causalité qui apparaissait alors comme raisonnable quand le soi-disant rêve s’activait, est devenu irréelle. Si elle est maintenant irréelle, elle était aussi irréelle quand elle était considérée comme un état de veille. Il n’y a donc pas plus de connexions entre les objets dans l’état de veille qu’entre les objets dans l’état de rêve ! On ne peut donc pas établir une causalité entre deux objets pendant l’état de veille. On réalise ainsi que la causalité n’est qu’un objet comme tous les autres objets.
En analysant le monde, nous découvrons qu’il est une illusion. Mais quand nous sommes dans le monde, ce monde est bien réel. Acceptons un instant qu’il le soit, il lui faut donc une cause et imaginons qu’une telle cause puisse exister, cela voudrait dire que sans cause précise, ce monde ne pourrait pas apparaître ! La cause doit aussi être différente de l’effet c’est-à-dire qu’elle doit être différente du monde que nous analysons. Dans l’exemple du serpent et de la corde, le serpent ne pourrait apparaître si son support n’existait pas. Mais nous savons aussi que le support ne subit pas de changement, par conséquent la corde ne peut être la cause de l’illusion du serpent. De la même façon, le monde ne peut pas exister, si la Conscience absolue n’est pas derrière pour le supporter. Mais la Conscience ne peut pas en être la cause puisqu’aucune cause ne peut exister en elle. Par conséquence, le monde analysé ne peut avoir de cause. Peut-être avons-nous été émerveillés ou intrigués par un miracle, un événement qui a dépassé notre causalité ordinaire ? Mais pourquoi avons-nous tant besoin de mystère ou de magie pour être déconcertés ? Regardons ce monde et tout ces objets autour de nous : ne sont-ils pas totalement extraordinaires ?
Quand nous sommes insatisfaits avec l’effet, nous lui cherchons une cause en lui donnant plus d’importance que l’effet. Pourtant, ce dernier n’est pas plus réel que la cause. Chercher la cause est aussi une façon indirecte de rechercher la Vérité. Cette recherche peut être poursuivie par différents chemins. Chacune de ces approches peut nous mener à la Vérité.
- Par ma seule présence, j’illumine les objets, quand il n’y en a plus que puis-je être si ce n’est la lumière ?
- Je suis seul dans le sommeil profond, je suis Conscience et Paix. Comment alors s’adresser au sommeil profond autrement qu’à Soi ? Comme il n’y a ni temps, ni espace, ni causalité dans le sommeil profond, ces deux questions, comment je me suis endormi ou comment je suis sorti du sommeil, sont sans rapport avec moi.
- Je suis dans un monde fait de temps, d’espace et de causalité. Ils font partie intégrante de ce monde et dès qu’il disparaît, le temps l’espace et la causalité disparaissent avec lui. Comme le serpent apparaît sur la corde, le monde apparaît dans la Conscience. Le monde tel que nous le concevons est une illusion.
- Quand on voit, il n’y a que la vue. Aussi loin que la vue est concernée, il n’y a pas la Connaissance. Quand la vue est terminée, La forme fusionne dans l’acte de voir. L’objet se réduit au connu, le connu n’est rien d’autre que la Connaissance. Ce n’est pas la Connaissance de la forme, mais la Connaissance pure. C’est le dernier acte ou le dernier lien dans la chaîne de toutes les activités. Il n’y a rien d’autre à savoir. Le dernier savoir n’est pas une expérience sensible, elle est la Vérité ultime.
- La Conscience transcendantale ne peut pas témoigner d’autre chose que d’elle-même. Les objets ne nous attirent pas vers l’irréel mais vers la réalité. C’est cela le miracle, c’est cela le prodige !
- J’ai une idée, est-ce moi qui la connais ? Cela ne peut pas être une autre idée, deux idées ne peuvent pas coexister en même temps. Seule la Conscience peut connaître l’idée : c’est exactement comme on connaît le bonheur dans le sommeil profond, en étant identique à cela. Au moment où l’idée est connue, le côté matériel de l’idée est abandonné ainsi que son essence, la pure Conscience seule subsiste. Ce que l’on appelle une idée, n’est pas réellement une idée, comme on le suppose, mais seulement pure Conscience.
La Conscience ne peut connaître rien d’autre que la Conscience.
• Une autre façon de voir l’espace, le temps et la causalité
Au concept de l’univers, nous ajoutons celui qui serait son support, le temps, alors qu’il n’appartient qu’aux royaumes de l’état de veille et de l’état de rêve. Comme nous l’avons vu, la mémoire nous permet de connecter toutes les expériences entre elles et ce lien nous fait imaginer le monde inscrit dans un temps infini. Pourtant, le temps aussi n’est qu’une pensée, un concept. Le fait qu’on ne puisse limiter une pensée par une autre, révèle qu’elle n’est pas simplement une pensée, elle est Conscience. Vous êtes le support permanent de chaque expérience que vous considérez matérialisé parce que vous le croyez inscrit dans un espace-temps, alors que celui-ci est aussi inerte que les objets qui le composent.
- Il suffit de comprendre l’espace comme la Conscience et l’espace devient l’absolu.
- Donnez la Conscience au temps et le temps devient l’absolu. On imagine que le monde existe ici, mais ce « ici » existe dans la Conscience. Le monde apparaît et disparaît en Soi, la Conscience.
Le temps est composé du passé, du présent et du futur, ils sont tous les trois interdépendants. Le passé et le futur ne sont expérimentés par personne, sauf quand ils surviennent dans le présent. On peut donc les considérer comme du présent. Mais, si on examine ce présent plus minutieusement, on peut le réduire à un moment qui glisse dans le passé avant même que l’on ait pu s’en apercevoir. Il est comme le point géométrique qui n’a pas d’espace. Le présent n’est qu’un compromis entre le passé et le futur au moment où ils se rencontrent. Le présent, personne n’en fait l’expérience.
Quand l’Existence, la Conscience et la Paix sont limitées par le mental : l’Existence est limitée à la vie, la Conscience est limitée à la pensée et la Paix est limitée à l’émotion.
Le mental comme la mémoire, supports de la causalité, ne sont rien d’autre qu’une pensée. Comme nous l’avons analysé, une pensée ne peut pas contenir une autre pensée. C’est une erreur de considérer qu’une pensée passée est enregistrée dans le mental. Voir un objet et le prendre pour quelque-chose que l’on a déjà vu s’appelle la mémoire. Dans l’exemple du rêve, nous percevons aussi la même chose et la mémoire dans le rêve ne prouve pas que l’objet existe. La mémoire dans le rêve disparaît avec le rêve. La mémoire ne prouve rien du passé qui n’existe pas plus que le mental.
Je me souviens d’une pensée que j’ai eue ce matin ou d’un rêve que j’ai fait cette nuit et je dis l’avoir eue, c’est ainsi que je fais de moi le penseur ou le rêveur. Ce changement injustifié dans la pensée est le seul responsable, il m’empêche de me voir comme le témoin de chaque expérience. Quand j’ai l’impression de me souvenir de quelque-chose, c’est en réalité une nouvelle pensée qui n’a rien à voir avec la précédente, même quand on se souvient d’en avoir été le témoin. Ne vous est-il pas arrivé aussi de vous rappeler d’un rêve qui se passait dans un même lieu que vous aviez vu dans un autre rêve ? D’avoir fait un rêve dans un rêve en vous réveillant encore dans un rêve ? De continuer un rêve que vous aviez fait la nuit précédente ? D’avoir cette impression de déjà-vu quand vous venez de vivre un événement qui vous donne l’impression de l’avoir déjà vécu ? Toutes les expériences sont possibles et si l’on n’y prend pas garde, elles ne nous apportent que de la confusion. Il n’y a pas de différence entre le souvenir d’un rêve ou d’un événement du passé. La mémoire n’est que le nom donné à une expérience présente avec le goût du passé. On ne peut jamais se souvenir d’une pensée. La mémoire nous fait croire que l’on pense une nouvelle fois à un objet de sa pensée. Seul le témoin a une expérience « pensée », le témoin est dans l’expérience et pas ailleurs.
Mais qui peut se souvenir du rêve ? Le personnage du rêve, son mental, ses sens et son corps comme tous les objets du rêve sont inexistants. Ce ne peut être le héros du rêve qui peut se souvenir du rêve, ni l’individu de l’état de veille car au moment du rêve, il n’était pas présent. Le rêve n’a pas plus de support pour que l’on puisse s’en rappeler. La mémoire ne permet pas de conserver le rêve. Pour pouvoir vous remémorer de votre rêve, il doit être passé, comme l’état de veille dans lequel vous étiez. Le sujet d’un état ne peut pas être le sujet d’un autre état. Comme l’objet, le rêve est connaissance. Je vois une forme ; j’entends un son ; je touche une matière… Chaque perception a son attribut correspondant, je ne peux pas voir du son ou toucher une forme. Le mental perçoit des objets mentaux et la Conscience ne peut avoir d’autre essence que la Conscience elle-même, la Réalité absolue. On pourrait aussi appeler les trois états : l’état sensoriel, l’état mental et l’état Conscient.
- Dans l’état sensoriel ou de veille, quand on se réjouit de quelque chose, on ne se tient pas séparé du bonheur mais comme le bonheur. Au lieu d’interpréter cette situation comme non-dualiste, on la prend en matière de sujet et d’objet. En ressentant du bonheur, cette interprétation positionne l’ego, parce que l’on donne plus d’importance à la fonction du mental qu’à sa satisfaction. Mais c’est notre véritable nature de paix, qui se manifeste comme bonheur limité dans l’état de veille comme dans les autres états.
- Dans l’état mental ou de rêve, on se rapproche de la Vérité. Dans cet état les objets sont irréels. Aussitôt que le rêve est terminé, on peut voir clairement que le sujet et les objets qui sont apparus dans cet état, étaient des créations du même mental. Par conséquent « un », puisqu’ils sont de la même substance : le mental. La diversité dans cet état n’apparaît alors que comme une idée.
- Dans l’état conscient, on perçoit uniquement la lumière quand elle est temporairement obstruée par un objet. C’est cette perception de la lumière que l’on appelle communément l’objet. De la même façon la Conscience pure n’est pas perceptible, comme on le voit dans le sommeil profond. Mais quand elle est confinée ou limitée à un objet particulier, elle semble devenir perceptible. Nous concluons que personne n’a jamais vu un objet mais seulement la Conscience.