a) Notre cadre conceptuel : temporalité, espace et causalité

Nous vivons dans un monde fait de temps, d’espace et de causalité. En tant qu’homme du XXIème siècle, nous nous percevons comme un habitant de cette planète Terre située dans un univers tellement immense qu’il dépasse notre entendement. Nous pensons que le temps et l’espace n’ont ni commencement ni fin et que tout est régit par une causalité que nous devons découvrir pour comprendre le moindre événement.

Dès que nous percevons un objet, il est immédiatement accepté avec un espace en trois dimensions qui le constitue et qui l’entoure. Nous ne pouvons pas le concevoir enveloppé de rien. Il existe depuis un certain temps et il continuera à exister. On sait encore que l’objet a une causalité. Ce qui veut dire qu’il est le résultat d’une fabrication, d’une transformation, d’une évolution… Quand nous percevons quelque chose, notre esprit le compare à ce que l’on sait déjà. Ainsi, au percept, nous ajoutons notre connaissance, le concept. En voyant par exemple la forme d’une table, on peut dire qu’elle est en bois, que c’est une table de ferme, on peut en déterminer la taille, l’époque, l’origine, le fabriquant, le bois employé, etc. Plus notre connaissance est grande à son sujet, plus notre perception sera étayée d’adjectifs et plus nous aurons l’impression que la représentation de l’objet est complète.

Ainsi quand nous percevons quelque chose, cette perception est l’effet d’une cause que nous lui attribuons. Cette cause devient à son tour l’effet d’une autre cause et ainsi de suite. Mais très rapidement, au bout d’un certain nombre de causes à effets, nous sommes obligés de dire, que nous ne savons plus. Vous connaissez peut-être vos parents, vos grands-parents, vos arrière-grands-parents c’est plus rare. Mais que savez-vous de vos arrière-arrière-grands-parents ? On voit bien que même concernant nos origines, nous sommes au bout de quelques générations dans un flou absolu. Plus les questions s’éloignent de la perception, plus notre savoir s’amenuise.

Ce livre est sur la table, la table dans une pièce, sur Terre, dans l’espace, c’est untel qui l’a posé là, il a été acheté, fabriqué… Qu’importe ce que nous pouvons dire de lui, on sait d’évidence, que l’objet ne peut exister autrement que dans ce monde fait de temps, d’espace et de causalité. Sans objet, il n’y a pas de cause puisqu’il n’a pas d’effet (le livre). Le temps, l’espace et la causalité sont intimement liés. C’est l’avant et l’après analysés de façon différente.

Nous avons pris l’habitude de dater les objets, les événements, de les situer dans un espace spatiotemporel. Tout est concept, le mouvement de la Terre autour du Soleil nous a donné notre rythme annuel, un tour complet dure 365 jours 6 heures et 9 minutes. Peu importe ces quelques heures d’écart, on s’est arrangé pour placer ce quart de jour manquant en augmentant l’année d’un jour tous les quatre ans. A ce propos, savez-vous pourquoi le mois de février a 28 jours ? En l’an 8 avant JC, le sénat romain a offert le mois Sextilis à l’Empereur Auguste en raison des victoires qu’il venait de remporté durant cette période. Notre cher empereur non satisfait d’avoir un mois à son nom, le mois d’août, a voulu rajouter un jour à ce mois qui honteusement pour lui n’en possédait que 30. Ainsi a-t-on dû retirer un jour au dernier mois de l’année qui était à cette époque le mois de février et de 29 jours, il est passé à 28. Un tour de Terre sur elle-même fera notre jour. C’est ce que nous pensons aujourd’hui, mais il y a seulement quelques siècles, la Terre était encore le centre de l’univers et elle a aussi été plate. Notre perception du monde, du temps et de l’espace devait être quelque peu différente ! Et il n’est pas dit que demain nous aurons la même perception du monde qu’aujourd’hui. Et pourtant quand cette idée est énoncée, nous pensons tous que ce n’est pas possible. Quand nous avons cru que la Terre était plate, nous étions des ignorants mais maintenant nous savons, la Terre est ronde ! Nos connaissances sont sujettes à caution et il faudrait bien peu de choses pour les remettre en question ! Tout ne paraît être que convention. Le temps et l’espace sont devenus si réels qu’ils existent avant même l’objet perçu ! Nous pouvons concevoir le temps et l’espace sans nous, avant la Terre, le Soleil, le ciel, les étoiles et tout ce qu’on peut évoquer. Pourrions-nous imaginer le commencement ou la fin du temps ? Dans ce concept, le temps comme l’espace paraissent infinis. Alors comment nous serait-il possible de concevoir que le temps, l’espace et la causalité ne dépendent en réalité que de la perception d’un objet ? C’est ce que nous réaliserons au cours de notre lecture.

Dans notre conception actuelle, le temps et l’espace sont le support de l’univers. Ces concepts existaient avant lui et paraissent tellement évidents qu’on ne pense pas à les remettre en question. On peut imaginer ralentir le temps, l’accélérer, on peut aussi courber l’espace dans tous les sens, l’imaginer chiffonné, le concevoir en expansion, découvrir des trous noirs avec d’autres causalités. Malgré tout, le temps et l’espace paraissent indétrônables si bien que, dans les religions du Livre, l’on donna à Dieu six jours pour faire le monde et comme il était trop fatigué, malgré sa puissance infinie, on lui donna un septième jour pour se reposer ! Mais cela est une bien autre histoire.

Certains scientifiques ont imaginé un « Big Bang » comme le commencement de tout l’univers. Dans ce grand boum, le temps et l’espace posent encore un problème ! Doit-on donc comprendre qu’il y avait un avant et un après Big Bang ? Le temps et l’espace le supportaient-ils ? Ou bien se sont-ils constitués avec lui ? Nous pouvons nous interroger sur l’ontogénèse de ce modèle cosmologique, sur son origine et son développement jusqu’à notre instant présent, mais pouvons-nous envisager qu’avant cette grande explosion, le temps et l’espace n’existaient pas ? S’il y a un avant, c’est qu’il y a du temps. Cet univers condensé est donc apparu dans le temps, dans un espace vide donc sans espace et ce grand boum sans cause deviendrait la cause de l’univers !!! Ne serait-ce pas une autre conception de la création matérialisée en Big Bang ? C’est un chanoine catholique, Georges Lemaître, qui a été le premier à en proposer ce concept en 1927.

Comment savoir que l’on est dans un rêve tant que l’on ne s’est pas réveillé ? Comment un poisson pourrait-il réaliser qu’il est dans l’eau, tant qu’il n’a pas sorti sa tête de l’élément qui l’entoure ? L’individu paraît être comme un poisson dans cet univers. Comment pourrait-il le comprendre ? Quel que soit l’objet que nous percevons, qu’il soit infiniment grand ou infiniment petit, nous ne pouvons le concevoir sans temps, sans espace et sans causalité. Les perceptions du rêve existent aussi avec ces même concepts, l’espace peut être particulier, le temps quelque peu différent et la causalité plutôt spéciale, mais ils sont toujours bel et bien présent.

Nous pensons exister, entouré de matière et d’énergie. Tout peut se calculer, tout peut s’analyser, tout peut se disséquer. Nous voulons tout savoir, tout prévoir, nous inventons, nous créons, nous conquérons, rien ne nous arrête. Nous souhaitons toujours aller plus avant dans nos découvertes qui n’auront jamais de finalité. Nous avons désiré apprendre à voler et maintenant nous quittons l’atmosphère terrestre, la conquête de l’espace ne fait que commencer. Quand l’homme de Cro-Magnon inventait la massue pour se défendre, pouvions-nous imaginer que, quelques millénaires plus tard, ses descendants fabriqueraient la bombe atomique ?

Quoi que nous puissions inventer, quel que soit notre futur de « science-fiction », quelles que soient nos connaissances, cela ne changera en rien notre condition d’être humain qui reste toujours assujettie à des croyances, pour satisfaire son incompréhension.

Notre monde est supporté par le temps et par l’espace et il est régi par la causalité. Or, tout le problème est là. En effet, comme nous considérons que les évènements se succèdent en dépendant des précédents : un évènement A entraîne un autre événement B qui engendre un événement C, chacun devenant la cause du suivant. De ce fait, une question s’impose : quelle est donc la cause du premier évènement, à savoir l’apparition de notre univers ? Nous croyons que notre monde devrait avoir aussi un commencement dans le temps et dans l’espace. Il faut donc que le temps, tout comme l’espace, aient une cause qui les précède et qui ne serait ni du temps ni de l’espace. Ainsi avant l’univers, il y aurait eu un « non-univers ». Nous pouvons le concevoir comme de l’énergie, mais alors, quelle serait la cause de l’énergie ? Le « rien » ou le vide n’est pas non plus concevable, car le rien ne peut être conçu que par l’absence de quelque-chose, en l’occurrence ici, l’univers. Le rien par lui-même n’existe pas et de rien, rien ne peut apparaître, rien ne peut naître !

Dans l’impossibilité de trouver une réponse satisfaisante à la cause de toutes les causes, Dieu, principe créateur au-delà de tout raisonnement, devint la solution pour répondre à tous nos « Je ne sais pas ». Nous avions la réponse qui soulageait notre ignorance.

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